crue d'hiver
Crue de la Seine
Janvier
1910
Retours aux crues
icon COURS D'EAU
Aube, Loing, Marne, Seine, Yonne
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1 malchance sur 100 de se produire chaque année

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Janvier 1910

Crues historiques de référence de la Seine et de ses affluents. Période de retour plus que centennale.

Cours d’eau : Seine, Marne, Yonne, Loing, Aube

Villes : Paris, Nemours, Sogny-aux-Moulins, Recy, Juvigny, Cherville, Vraux, Aigny, Châlons-en-Champagne, Saint-Dizier, Sens, Tonnerre, Troyes, Moret-sur-Loing…

Météorologie et hydrologie

 

La crue de la Seine de 1910 génère le plus important débordement de ce fleuve depuis 1658. Il s’agit d’un événement majeur tant par son intensité que par les dégâts engendrés.

 

La fin de l’année 1909 est très humide avec 450 mm de précipitations en trois mois en moyenne sur le bassin de la Seine (50% au dessus de la moyenne trimestrielle). La Seine et ses affluents connaissent déjà une élévation notable. Après une première semaine sèche et froide avec gel des sols, le mois de janvier 1910 connait trois épisodes pluvieux exceptionnels. Les précipitations mensuelles dépassent 150 mm sur la partie haute du bassin versant (avec localement plus de 300 mm). On relève du 18 au 21 janvier : 82 mm à Bar-sur-Seine (T » 100 ans), 94 mm à Montbard (T » 100 ans), 78 mm à Joigny (T > 150 ans). Les sols déjà saturés accentuent le ruissellement.

Précipitations mensuelles de janvier 1910 sur le bassin de la Seine.
Précipitations mensuelles de janvier 1910 sur le bassin de la Seine.
 

Entre le 23 et le 25 janvier, une nouvelle dépression apparaît : des pluies modérées mais quasi-uniformes ont lieu sur l’ensemble du bassin versant de la Seine. Une onde de crue se développe alors sur la Seine, une sur la Marne, ainsi que deux sur l’Yonne. Les pics de la Seine amont et de l’Yonne se cumulent avec celle du Loing provoquant une crue extraordinaire sur la région parisienne.

 

La période de retour de la crue de l’Yonne est estimée entre 100 et 180 ans selon les secteurs. La crue à Sens dure 19 jours, avec un pic de plusieurs heures associé à des niveaux importants pendant plusieurs jours. À titre de comparaison, la pointe de crue de 1955 a été dépassée quatre jours durant en 1910. Le débit de l’Yonne atteint 1 100 m3/s pour une période de retour de 120 ans. La rivière regagne son lit cinq semaines après les premiers débordements.

 

Sur la Marne, les hauteurs aux stations de Chaumont, Saint-Dizier et Châlons (5.42 m, période de retour 70 ans), sont les plus hautes jamais observées. À Noisiel, le débit atteint 850 m3/s, ce qui correspond à la plus forte crue en 121 années de mesures.

 

La crue de la Seine atteint son maximum à Paris le 28 janvier : 8,62 mètres à l'échelle hydrométrique du pont d'Austerlitz. Seule la hauteur atteinte en 1658 lui est supérieure (8.96 m).

.Hydrogrammes de la Seine à Paris (à g.) et de la Marne à Damery et Chalifert (à d.), entre décembre 1909 et mars 1910, 1910
Hydrogrammes de la Seine à Paris (à g.) et de la Marne à Damery et Chalifert (à d.), entre décembre 1909 et mars 1910, 1910
 
Limnigramme de l’Yonne à Sens en janvier et février 1910
Limnigramme de l’Yonne à Sens en janvier et février 1910
 
Observation centralisées par le service hydrométrique du bassin de la Seine pendant l'année 1910-1911 - Edmond Maillet
Observations centralisées par le service hydrométrique du bassin de la Seine pendant l'année 1910-1911 - Edmond Maillet
 
Répartition des pluies sur le Bassin de la Seine en 1910. Edmond Maillet.
Répartition des pluies sur le Bassin de la Seine en 1910. Edmond Maillet.
 

 

Conséquences

 

Bien que ces crues n’aient pas été très meurtrières (4 morts), elles causent d'importants dommages à l'économie régionale, en particulier à Paris.

 

Bassin de la Marne

 

En termes de dégâts, la crue de la Marne est aggravée par des ruptures de digues. Celle du canal latéral de la Marne survient, rive droite, entre Sarry et Châlons. Même scénario en aval de Châlons où la digue est détruite sur une longueur de 40 mètres entre Saint-Martin et le pont du chemin de fer. Le flot se répand alors dans les villages de Recy et de Juvigny où la situation devient très préoccupante. Piégée entre le canal de Condé et les coteaux, l'eau ne s'écoule pas et ne cesse de monter. Une cinquantaine de bâtiments sont envahis, un grand nombre s'écroulent, sans compter les granges, les hangars et les écuries.

 

À Châlons-en-Champagne, la Marne transporte boue et troncs d'arbres sur l'actuelle avenue de Gaulle, la rue du Lycée depuis la rue Jacquesson jusqu'à Saint-Memmie. Les eaux détruisent meubles, vêtements, provisions et sèment « partout la désolation et la douleur ». La campagne n'est pas épargnée non plus. En amont et en aval de Châlons, la plaine n'est plus qu'un vaste lac, submergeant chemins de halage, prairies et jardins. Seules les habitations émergent de l'eau. « Ce ne sont que maisons qui s'effondrent, engloutissant sous leurs toits les meubles, les récoltes, les animaux de basse-cour, qui, surpris, ne peuvent se sauver. C'est à grandpeine si, à Sogny-aux-Moulins, à Recy, à Juvigny, à Cherville, à Vraux, à Aigny, pour ne parler que des localités les plus éprouvées de notre arrondissement, les habitants peuvent s'enfuir sans rien emporter de leurs biens ». (« L’Union presse Champagne Ardenne Picardie », 20 janvier 2010).

a) Crue de la Marne au quartier de Madagascar à Châlons-en-Champagne ; b) A la gare de St-Dizier
a) Crue de la Marne au quartier de Madagascar à Châlons-en-Champagne ; b) A la gare de St-Dizier
 
Crue de la Marne à Recy
Crue de la Marne à Recy
 
Crue de la Marne à Châlons
Crue de la Marne à Châlons
 
Champ d’inondation de la Marne lors de la crue de janvier 1910 en amont de Châlons (extrait), 1910
Champ d’inondation de la Marne lors de la crue de janvier 1910 en amont de Châlons (extrait), 1910
 

 

Bassin de l’Yonne

Crue de l’Yonne  a) Sens ,  b) Tonnerre
Crue de l’Yonne a) Sens , b) Tonnerre
 

 

Bassin de la Seine

 

Le Loing inonde une grande partie de la ville de Nemours. C’est la plus importante crue depuis 1770. À Paris, de nombreux quartiers sont affectés ainsi que dans la plupart des villes riveraines de la Seine. Les temps de submersion sont particulièrement longs entre la phase de montée des eaux (une dizaine de jours), et la lente décrue (35 jours environ). Le périmètre inondé dans la capitale atteint 720 hectares. Le 29, la place de l’Opéra s’effondre, la chaussée des Champs-Elysées s’affaisse. Le métro est remis en service début avril seulement.

Inondations de 1910  a) La Seine à Troyes, b) La Seine à Paris au Pont ND, c) Le Loing à Moret, La Seine à Sotteville-lès-Rouen
Inondations de 1910 a) La Seine à Troyes, b) La Seine à Paris au Pont ND, c) Le Loing à Moret, La Seine à Sotteville-lès-Rouen
 
Inondation dans le secteur de la Gare de Lyon à Paris : a) Vue depuis la Tour de l’horloge (12) ; b) Plan du périmètre inondé
Inondation dans le secteur de la Gare de Lyon à Paris : a) Vue depuis la Tour de l’horloge; b) Plan du périmètre inondé
 
Crue de la Seine à Paris, janvier 1910
Crue de la Seine à Paris, janvier 1910
 
Crue de la Seine à Paris, janvier 1910
Crue de la Seine à Paris, janvier 1910

 

Gestion

 

Le 22 janvier, la Croix-Rouge, au travers de son comité de la société de secours, ouvre une souscription pour venir en aide aux familles des inondés et enregistre une mobilisation sans précédent qui perdure après le retrait des eaux.

Suite

 

Sur le bassin de l’Yonne, « la décrue amorcée, un autre danger guette les habitants sinistrés : le risque d’épidémies, notamment de fièvre typhoïde. Le Conseil supérieur d’hygiène, sur instruction du ministère de l’Intérieur, transmet des consignes. Selon une note adressée au préfet le 28 janvier, « il faut par tous les moyens convaincre la population que dans ces régions inondées, aucune eau n’est plus potable, que toute eau contient actuellement et contiendra longtemps encore des germes de maladie et de mort, qu’en user sans la faire bouillir est une imprudence grave ». Une liste d’instructions doit être copiée par les élèves et commentée par les instituteurs : l’eau et les légumes ne doivent pas être consommés sans avoir été bouillis, une habitation qui a été inondée doit être assainie, c’est-à-dire débarrassée des vases, boues et immondices qui seront traités à la chaux vive, tandis que le sol et les murs grattés seront recouverts de chaux et les paillasses souillées, brûlées… En parallèle, les familles sinistrées doivent faire la liste des dommages et pertes subies.

Ailleurs en France

 

L’évènement touche une grande moitié nord et est du pays : outre le bassin de la Seine, le Rhin, le Doubs (période de retour centennale) et leurs affluents sont principalement touchés.

Le saviez-vous ?

Les dernières crues de juin 2016 et janvier 2018, bien qu’importantes, sont sans commune mesure avec l’événement de janvier-février 1910 qui constitue la dernière grande crue historique de la Seine (période de retour supérieure à cent ans).

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Historique des crues de la Seine à la station Paris-Austerlitz.
 
Comparaison des hydrogrammes de la Seine à Paris en 1910 et 2016
Comparaison des hydrogrammes de la Seine à Paris en 1910 et 2016
 
La Seine au pont Saint-Michel à Paris : 1910 (en haut), 2016 (en bas)
La Seine au pont Saint-Michel à Paris : 1910 (en haut), 2016 (en bas)
 

 

Sources

  1. Evaluation préliminaire des risques d’inondation 2011 sur le bassin Seine-Normandie,
  2. DRIEE-IF, 2014
  3.  Mission d’expertise des caractéristiques hydrologiques de la crue de 1910 sur la Seine à Paris, Rapport final, 2010.
  4. Carte des inondations de janvier 1910. Environs de Paris
  5.  Champ d’inondation de la rivière de Marne en janvier 1910. Feuille n°5, de Songy à Châlons. Ponts & Chaussées, 1910
  6. Cartes postales, Châlons
  7. Cartes postales, Recy
  8. Cartes postales, Marne aval
  9. Maillet (Edmond), La crue de la Seine à Paris en janvier 1910, Bulletin de la société des sciences historiques et naturelles de l’Yonne, 1er semestre 1910, Auxerre.
  10. Maillet (Edmond), Observation centralisées par le service hydrométrique du bassin de la Seine pendant l'année 1910-1911. 1912
  11. Loisel (J.), Lemoine (Paul),  La crue de la Seine en 1910, ses causes, son mécanisme, La Nature, n°9024, Avril 1910.
  12. Département de la Marne, inondations de 1910. Limite du champ d’inondation, rivières de Seine et d’Aube. Ponts & Chaussées, 1910.
  13. Maynard (E.), Etude hydrologique de la crue extraordinaire de janvier 1910. Etendue, dommages causés, processus et causes déterminantes, Ecole des Ponts & Chaussées.
  14. https://www.les-crises.fr/
  15. https://www.seineenpartage.fr/la-crue-de-1910/ (série de cartes postales classées par départements)
  16. www.pluiesextremes.fr
  17. Picard (Alfred), Commission des inondations de 1910 - Rapport général, IN, 1910.
  18. Nouaihac-Pioch, L’annonce des crues dans le bassin de la Seine, Rapport de la Commission des inondations,1910.
  19. gallica.bnf.fr
  20. PPRI Yonne
  21. L’Action Républicaine, 22 janvier 1910
  22. Pont-dAusterlitz_limniCrue_1910.
  23. Schneider (Michel), Caractérisation météorologique de la crue de 1910 en région parisienne. Météo France, 1999.