crue d'hiver
Crue 1955 de la Seine et de la Marne
Janvier
1955
Retours aux crues
icon COURS D'EAU
Marne, Ornain, Saulx, Seine, Yonne
icon INDICE DE GRAVITÉ icon

1 malchance sur 100 de se produire chaque année

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Janvier 1955

Dernières grandes crues de la Seine et de la Marne [2021] : crues généralisées et rapides sur tout le bassin

Cours d’eau : Seine, Marne, Saulx, Ornain, Yonne…

Villes : Bray, Paris, Villeneuve-St-Georges, Sens, Moncetz-l’Abbaye, St-Remy-en-Bouzemon, Dorman, Magenta…

Météorologie et hydrologie

 

Les pluies se renforcent en décembre sur la bordure sud-est du bassin, du Barrois au Bassigny, sur le plateau de Langres et le Morvan. Début janvier, un épisode neigeux soutenu se généralise à l'ensemble du bassin, avec 20 à 40 cm de neige sur l’Aube, la Haute-Marne et le Morvan. À partir du 10 janvier, les conditions climatiques changent brutalement. Les perturbations pluvieuses actives se succèdent rapidement, après un brusque redoux. Dès lors, il pleut sans interruption notable durant sept jours, dans une atmosphère d’une extrême douceur. Les quantités quotidiennes ne présentent pas de valeurs exceptionnelles, mais le cumul du 11 au 17 janvier est conséquent : 50 à 100 mm de la région Centre à l'Île-de-France et au département de la Marne, 100 à 150 mm sur la plupart des autres régions. L'amont des bassins, à l'est d'une ligne Auxerre (Yonne) -Troyes (Aube) - Saint-Dizier (Haute-Marne), reçoit entre 150 et 200 mm d'eau en sept jours, et jusqu'à 300 mm sur les bassins du Morvan. Le bilan total moyen sur le bassin de la Seine pour cette période de sept jours a été de 90 mm, soit environ six fois la normale correspondante.

 

Les crues sont provoquées non seulement par les pluies, mais sont aussi accentuées par l’imperméabilité des sols encore gelés en début d'épisode, aggravant fortement le phénomène de ruissellement, et par la brusque fonte des neiges associée au redoux. L’eau s’écoule directement vers les rivières, générant des crues rapides sur tout le bassin.

 

Les hauteurs d’eau maxima enregistrées sur la haute Seine et la Marne sont équivalentes ou supérieures à celles de 1910. La durée des crues fut sensiblement plus longue. Les apports du Loing, des deux Morin et de l’Yonne sont toutefois bien moindres. Sur le bassin de la Seine, la période de retour de la crue est estimée entre 50 et 100 ans. On notera à cette occasion que le stockage des eaux dans les réservoirs du Morvan a permis d’atténuer la crue de l'Yonne et de la Cure, et de préserver ainsi Paris.

 

Yonne

 

« En 48 h, l’Yonne a monté, à Sens, d’environ un mètre. La crue qui, dès jeudi 13 janvier, s’annonçait inévitable, s’aggrave dans la journée de vendredi où, à 20 h 30 la cote relevée près de l’église St-Maurice s’inscrivait à 2,53 m. Mais ce furent surtout les deux journées de samedi et dimanche qui firent naître la plus grande inquiétude. De plus en plus boueux et limoneux, le flot gonfla inexorablement pour atteindre 3,87m dimanche soir à 18h30. Lundi 17 au matin, la cote de 3,50m était enregistrée et il était généralement admis qu’elle atteindrait 3,60 m. En réalité elle se maintint toute la journée à 3,50m et il faut espérer que ce sera là le niveau maximum de cette crue qui approchera ainsi celle de 1923 (3,70 m) et laissera loin, heureusement d’ailleurs, celle de 1910 (4,40m) … (Le Sénonais Libéré, mercredi 19 janvier 1955).

À Tonnerre, le débit de l’Yonne est estimé à 250 m3/s pour une période de retour de 15 ans.

 

Marne 

 

Sur la Marne, cette crue est la plus importante jamais enregistrée depuis l’implantation de stations de mesures au milieu du XIXe siècle (période de retour comprise entre 60 et 80 ans selon les sites). Les niveaux atteints se situent légèrement au dessous des plus hautes eaux connues, à savoir : 5,13 m à Châlons, 3,25 m à la Chaussée, 4,85 m à Damery contre respectivement 5,52 m, 3,25 m et 4,85 m en 1924. La côte de 1910 est dépassée à Joinville (3,25 m contre 3,15 m), Vitry (3,38 m contre 3,10), Damery (4,66 m contre 4,63) et Lagny. La submersion se maintient au dessus des cotes des grands débordements entre le 12 et 18 janvier. L’événement se caractérise par plusieurs maxima dus à la fois aux décalages des apports de la Saulx et aux diverses ondes de crue de la Marne elle-même. Chaumont connaît ainsi trois pics de crue en trois jours.

 

Certaines concomitances des maxima vont accroître la gravité du phénomène le long de la vallée. Les trois réservoirs d’alimentation du canal de la Marne à la Saône (La Liez, Charmes, la Mouche) ont écrêté une partie des apports : 6 M m3 du 1er au 15 janvier sur un volume total écoulé estimé à 14 M m3.

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Hydrogramme des crues de 1910 et 1955 sur la Marne (Damery, Chalifert) et la Seine (Paris).

 

Seine

 

À Bray, le niveau de la Seine dépasse toutes les cotes connues. Avec 3,43 m, son maximum surpasse celui de 1910 de 1 cm et s’y maintient pendant plus de 24 heures. À Paris, elle monte jusqu’à la cote 7,12 m au pont d’Austerlitz le 23 janvier, avec un débit estimé entre 2050 et 2150 m3/s.

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Hydrogramme des crues de 1910 et 1955 sur la Seine (Melun, Paris)  (H. Babinet, La Houille Blanche)

 

Conséquences

 

Yonne

 

« (…) Dimanche 15 après-midi, des milliers de Sénonais sont allés contempler la tristesse qui se dégage du quartier d’Yonne, dont une grande partie est sous les eaux. La plupart des caves sont évidemment inondées mais aussi, ce qui est plus grave, de nombreuses habitations des bords de l’Yonne dont les habitants doivent être ravitaillés par bateaux. Quelques-uns seulement ont été évacués et dans la salle de Justice de Paix transformée rapidement en dortoir, une vingtaine de lits sont à la disposition de ceux qui n’aurait pu être recueillis par des parents ou des voisins. Dès la première heure d’ailleurs, la municipalité avait pris les dispositions nécessaires pour apporter toute l’aide désirable aux sinistrés. En permanence le corps des sapeurs pompiers est sur les lieux ainsi que le personnel de la Ville de Sens et des Ponts et Chaussées. Pour donner un exemple de l’effort réalisé, précisons que 2 000 parpaings ont été utilisés à l’édification d’environ 800 m d’étroits passages au dessus de l’eau » (Le Sénonais Libéré, mercredi 19 janvier 1955).

 

Marne

 

Le réseau routier local et régional est fortement impacté, y compris les routes nationales, avec des ruptures de ponts. Certaines voies latérales de la vallée sont également submergées. Les villages de Moncetz-l’Abbaye et de St-Rémy-en-Bouzemont sont sous les eaux. De nombreuses habitations sont également inondées dans les vallées de la Saulx et de l’Ornain.

Photos aériennes des inondations de la Marne à Magenta en janvier 1955
Photo aérienne des inondations de la Marne à Magenta en janvier 1955.

 

Seine

 

Malgré une cote élevée à Paris, la capitale est relativement épargnée. Quelques rues seulement sont inondées. Ceci s’explique par les nombreux travaux réalisés au passage de la capitale au cours de la première moitié du XXe siècle (réaménagement de plusieurs ponts, démolition du barrage et de l’écluse de la Monnaie, recalibrage des voies navigables) et par la mise en place des premiers barrages-réservoirs de Crescent (1932), Chaumeçon (1933), Pannecière (1949). Le champ d’inondation dans l’ancien département de la Seine couvre 800 hectares en 1955 contre 2 500 hectares lors de la crue de 1924.

Inondation de Villeneuve-Saint-Georges en janvier 1955 (Paris Match, n°305. 29 janv. – 5 fév. 1955)
Inondation de Villeneuve-Saint-Georges en janvier 1955 (Paris Match, n°305. 29 janv. – 5 fév. 1955).
 

« La brigade fluviale est paralysée par la crue, mais treize hélicoptères veillent de jour et de nuit sur les habitants de la région parisienne, dont près de 10000 ont été évacués – 1560 dans le seul département de la Seine. 32 communes sur 80 sont menacées. Des maisons s’écroulent. Plusieurs digues ont déjà cédé. En Seine-et-Oise où 4000 immeubles sont inondés, une nouvelle crainte : l’invasion des rats »[Paris Match n°305. 29 janv. – 5 fév. 1955].

Le saviez-vous ?

On estime que les divers travaux réalisés en amont et dans Paris depuis la crue de 1924 (dragages, suppression de certains ponts et parapets et de l’écluse de la Monnaie entre la Cité et la rive gauche, reprofilage d’îles, …) ont réduit de 70 cm le niveau des eaux de la Seine dans la traversée de la capitale. Sans cela, la crue de 1955 serait arrivée au troisième rang après celles de 1658 et 1910.

Sources

  1. Michel Lang, Denis Cœur (s. dir.), Les inondations remarquables en France, inventaire 2011 pour la directive Inondations, Editions QUAE, 2014.
  2. Ponts & Chaussées département de la Marne. Inondations de janvier 1955. Rapports, 1955 (AD51).
  3. Département de la Seine, service vicinal et ordinaire. Défense contre les inondations, II : cartes. (AP)
  4. Photos aériennes inondations de la Marne, janvier 1955.
  5. Inondations janvier 1955, photographies Dormans.
  6. Ponts & Chaussées, département de la Marne. Rivière de la Marne, crue de 1955. Graphiques, profils, cartes et rapport des ingénieurs, février et mars 1955 (AD51).
  7. Pluviométrie journalière bassin de la Marne, janvier 1955.
  8. Chronologie crues BV Marne.
  9. Paris Match, n°305. 29 janv. – 5 fév. 1955.
  10. V. Prévot, « La crue de la Seine en janvier 1955 », L'information géographique, volume 19, n°2, 1955. pp. 64-67.
  11. Société météorologique de France. Météorologie (Paris. 1925). 1956/01-1956/12. La météorologie, n°41 – Janvier – Mars 1956
  12. M. Pardé, Sur les crues survenues en France de 1951 à 1955.
  13. H. Babinet, La crue de la Seine de janvier 1955, La Houille Blanche, n° spécial A/1955, p. 293.