crue d'éte
Crue de l'Yonne
Septembre
1866
Retours aux crues
icon COURS D'EAU
Armançon, Cure, Loing, Marne, Seine, Serein, Yonne
icon INDICE DE GRAVITÉ icon

1 malchance sur 100 de se produire chaque année

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Septembre 1866

Crues généralisées et dévastatrices sur le bassin de l’Yonne.

Cours d’eau :    Yonne, Cure, Cousin, Armançon, Serein, Marne, Ourcq, Seine, Loing

Villes : Avallon, Nuits, Saint-Mesmin, Sens, Joigny, Auxerre, Tonnerre, Montigny, Misy, Souppes, Bercy, Créteil

Météorologie et hydrologie

L’année 1866 est très pluvieuse sur le bassin de l’Yonne : les cumuls de précipitations des 9 premiers mois de l’année excèdent de 30% les cumuls annuels moyens des 4 années précédentes. Aux Settons, les mois de juillet, août, et septembre totalisent près de 800 mm de précipitations. On enregistre 149 mm de pluie les 23 et 24 septembre, dont plus de 100 mm le 23 septembre. Les autres stations reçoivent en moyenne près de 100 mm en 2 jours.

Précipitations aux Settons en mm (Service hydrométrique du bassin de la Seine, observations pluviométriques faîtes en 1866)
Précipitations aux Settons en mm (Service hydrométrique du bassin de la Seine, observations pluviométriques faîtes en 1866).

 

Les pluies et la saturation des sols sont à l’origine de crues exceptionnelles sur le bassin de l’Yonne, alors que des phénomènes comparables surviennent au même moment sur le haut bassin de la Loire. Les affluents de l’Yonne réagissent dès le 24/09. Le Cousin connaît une montée d’une rapidité exceptionnelle pour atteindre la cote 2,5 m à Avallon. Sur la Cure, le réservoir des Settons, permet de contenir les eaux à la cote 2,55 m à St-Père, soit 40cm en dessous du niveau de 1836. Ce n’est pas le cas sur le Serein où les hauteurs aux échelles dépassent en moyenne de 50 cm celles de 1856 et de 40 cm celles de 1836. Même scénario sur L’Armançon avec 3.75 m à Aisy et plus de 5.00 m à Semur. Il faut remonter à l’événement de 1613 pour trouver une crue supérieure. La crue se propage sur l’Yonne aval entre le 25 et le 27 septembre. Les hauteurs atteintes en 1856 sont dépassées. On relève 4,86 m à Laroche, 4,09 m à Joigny, 4,90 m à Villeneuve-sur-Yonne, 4,14 m à Sens.

Relevés hydrométriques de l’Yonne et ses affluents en juillet, août et septembre 1866
Relevés hydrométriques de l’Yonne et ses affluents en juillet, août et septembre 1866.
Relevés hydrométriques de l’Yonne et ses affluents lors de la crue de septembre 1866 (Etude sur le régime des eaux du bassin de la Seine pendant les crues du mois de septembre 1866, Belgrand et Lemoine, éd. Dunod, 1868).
Relevés hydrométriques de l’Yonne et ses affluents lors de la crue de septembre 1866 (Etude sur le régime des eaux du bassin de la Seine pendant les crues du mois de septembre 1866, Belgrand et Lemoine, éd. Dunod, 1868).

 

Les phénomènes sont moins sévères sur la Marne et la Seine. La Marne atteint 3,15 m à St-Dizier le 26 septembre, 2,78 m à La Chaussée le 27 septembre, où son niveau reste élevé jusqu’au 03 octobre. À Meaux et Chalifert, la crue forme deux pics, avec respectivement 2,38 m et 2,92 m le 25 septembre, 2,76 m et 2,56 m le 02 octobre. On relève encore 5,38 m au pont de Charenton. La Seine répercute le phénomène mais de manière toutefois atténuée. Elle reste supérieure à 5 m au pont Royal entre les 26 septembre et le 1er octobre, avec un maximum à 6,20 m le 29 septembre.

Conséquences

Les dommages sont exceptionnels sur le bassin de l’Yonne et notamment sur tout le cours de l’Armançon. Deux ponts sont détruits, diverses voies de communication gravement endommagées. De nombreux bourgs sont impactés comme Semur, les parties basses de Montbard et de Tonnerre. Le village de Laumes est envahi par l’Oze. Le pont de Lezines est emporté. À Tonnerre, la Fosse-Yonne, alimentée par une vaste nappe souterraine, entre en crue en même temps qu’arrive le flot de l’Armançon.

 

Le Serein impacte particulièrement le village de Noyers. À Guillon, son débit est multiplié par 200 en une journée. Les murs du parc de Couterolle doivent être abattus pour permettre l’évacuation des eaux. À Arcy, plus de 150 maisons sont inondées par La Cure.

 

L’Yonne inonde Saint-Mesmin sous 3 mètres d’eau. On relève jusqu’à un mètre d’eau dans les rues de Sens, Joigny et Auxerre. Plus en aval, les apports du Serein et de l’Armançon maintiennent un niveau très élevé. Toutes les plaines riveraines de l’Yonne sont submergées. À Bonnard et Epineau, le remblais ferroviaire aggrave encore la situation. En aval de Sens, le pont de fer de Misy est emporté.

 

« Du haut du campanile de la tour de la cathédrale, on aperçoit comme un bras de mer du milieu duquel surgissent des bouquets d’arbres, quelques meules de blé et le beau faubourg de Saint-Paul presqu’entièrement envahi par les eaux... Le couvent de Ste Colombe est complètement entouré par les eaux... Le service des omnibus de la gare est interrompu depuis ce matin, et l’on ne communique plus qu’en bateau ou sur des hautes charrettes. Les tuyaux de gaz ont été crevés sous l’effort des eaux, et ce soir la ville doit être privée de son éclairage ordinaire » (Journal du Sénonais, 26 septembre 1866).

 

Enfin, le canal du Nivernais ainsi que d’autres ouvrages de canalisation sont durement touchés.

Inondation de Tonnerre en 1866 (Archives départementales de l’Yonne)
Inondation de Tonnerre en 1866 (Archives départementales de l’Yonne).

 

Si la crue a été comparable à celle de 1836, selon l’ingénieur Mary «…les désastres ont été moindres qu’à cette époque, parce que le télégraphe électrique a pu prévenir les riverains de l’arrivée prochaine de l’inondation prévue d’après les observations pluviométriques ».

 

Cette crue a présenté la particularité remarquable d’avoir produit un seul maximum sur tout le cours de l’Yonne, depuis sa source jusqu’à sa confluence avec la Seine. Selon l’ingénieur Cambuzat « cet effet parait devoir être attribué au réservoir des Settons, qui a retenu un volume d’eau de 4,5 mètres cubes d’eau, et a par là diminué l’importance de la crue de la Cure et par conséquent son influence sur la crue de l’Yonne… » (Mary, Etude sur les inondations de la Seine, 1868). À la suite de cet événement, d’autres réservoirs sont projetés dans les vallées supérieures du bassin de l’Yonne et de ses affluents, avec pour but d’écrêter les crues exceptionnelles avant leur arrivée dans la Seine.

Le saviez-vous ?

Les plus anciens barrages construits sur le bassin de la Seine avaient pour fonction d’alimenter en eau les canaux de navigation. Sans compter les 11 étangs créés dès 1700 pour alimenter l’ancien canal d’Orléans, les ouvrages encore en exploitation sont au nombre de 13 (64 M m3). Le plus important est celui du Liez dans le haut bassin de la Marne (16 Mm3). Leur construction s’est échelonnée de la fin du XVIIIe s. (Vaux, 1785) au début du XXe s. (Charmes, 1902-1906).

 

Le barrage de Settons date du milieu du XIXe s (1855-1858) et a été établi pour les besoins de la navigation et du flottage du bois (23 Mm3). C’est le premier ouvrage destiné à relever les débits d’étiage. Il permet en outre un certain amortissement des crues du haut bassin de la Cure.

Sources

  1. EPRI Seine Normandie
  2. R. Mary, Etude sur les inondations de la Seine,  Ministère de l’agriculture, du commerce et des Travaux publics. Service des inondations, bassin de la Seine. 1868 (AN).
  3. Belgrand et Lemoine, « Etude sur le régime des eaux du bassin de la Seine pendant les crues du mois de septembre 1866 », Annales des Ponts & Chaussées, mémoires et documents. 4è série, 1868, 2è semestre. Ed. Dunod, Paris., p-. 242-245.
  4. M.G. de Hagemann, Le Loing (Seine-et-Marne) débordé et la plaine de Montigny, Lithographie, 1866.
  5. La Seine vue de la plaine d’Alfort, près Paris, depuis le pont de Créteil (vendredi 28 septembre, 5 heures du soir) - Lithographie, 1866. 
  6. Inondations en 1866 à Tonnerre - Photographie (AD Yonne).
  7. L. Figuier, « Les inondations en 1866 », L’année scientifique et industrielle, onzième année (1866). Paris, librairie de L. Hachette et Cie, 1867.
  8. Service hydrométrique du bassin de la Seine, Observations pluviométriques faites en 1866.
  9. Service hydrométrique du bassin de la Seine, Observations faites sur les cours d’eau du 1er mai 1866 au 30 avril 1867.
  10. Mission déléguée de bassin Seine-Normandie, Agence financière de bassin Seine-Normandie, Les bassins de la Seine et des cours d’eau normands – Tome 2 – Besoins et utilisations d’eau. Pollution, Fascicule 6 – Hydraulique fluviale et voies navigables, 1978, 133 p.