



1 malchance sur 100 de se produire chaque année
Juin 1930
Coulées de boue meurtrières dans la région de Bar-le-Duc le 15 juin, et dans la région d’Auxerre le 20 juin, suite à des orages.
Cours d’eau : Naveton, Vallon de Maestricht (55) ; ravin de la Chaînette, ruisseau de Saint – Georges, ruisseau de Migraine, ruisseau de Saint-Nicolas (89)
Villes : Bar-le-Duc, Auxerre
Météorologie et hydrologie
Le 15 juin en fin d’après midi, un très fort orage s’abat trois heures durant dans le secteur de Bar-le-Duc. Il est à l’origine de très importantes coulées boueuses dans le vallon de Maestricht et dans le ruisseau du Naveton.
Le même phénomène se reproduit le 20 juin dans la région d’Auxerre (51 mm de pluie), engendrant ruissellements et crues subites. « Le mois de Juin fut assez tempéré à son début, mais de violents orages accompagnés de trombes d'eau causèrent un véritable désastre à la culture. À Auxerre on a mesuré 266,7 mm de pluie en 16 jours. Le 20, il se produisit sur cette ville un violent orage accompagné d'une pluie diluvienne (…) » (Bulletin annuel de la commission de météorologie du département de l’Yonne, année 1930, Auxerre, 1931)
Conséquences
Orage dans la région de Bar-le-Duc
Les coulées de boue provoquent la mort de trois personnes, 150 sinistrés et de nombreux dégâts matériels dans les quartiers Marbot et Resson à Bar-le-Duc.
« Ce coin paraît donc, à première vue, offrir une sécurité complète que vient de démentir l’évènement. Car les ravages exercés, l’aspect des lieux, l’unanimité des témoignages s’accordent pour établir qu’un flot énorme, haut de plus d’un mètre, large de quinze à trente mètres suivant les points, a débouché en grondant des bois de l’amont et s’est rué impétueusement dans le fond du vallon, bousculant tous les obstacles rencontrés en cours de route, charriant limon, graviers, pierres, bois, épaves de toutes sortes pour s’épanouir enfin depuis le bas de la côte des Fourches, jusqu’au canal de la Marne au Rhin sur les trois cent mètres de largeur qu’embrassent les deux branches de la rue de l’Etoile. »
(Rapport de l’ingénieur subdivisionnaire Frontard, « Inondation du faubourg de Marbot », 23 juillet 1930, Ponts & Chaussées, département de la Meuse)
« A Bar-le-Duc, à 19h30, un torrent dévalant tout à coup le vallon de Maestrich submergeait brusquement sous 3 mètres de boue et d’eau le coquet quartier de Marbot, où Mme Maternat, 39 ans, et sa fillette, 6 ans, périrent noyées. Des maisons s’écroulèrent, tout fut dévasté, les animaux domestiques furent tués en grand nombre, et les sapeurs pompiers eurent beaucoup de peine à sauver un bébé de quelques mois et des vieillards que le flot emportait…Le lendemain, Marbot et Resson étaient recouverts d’un mètre de boue épaisse et puante, que les soldats du 94e régiment d’infanterie déblayèrent, relayés plus tard par une compagnie du génie venue de Metz, puis par les équipes de cantonniers des ponts et chaussées. Les dégâts, rien que pour Bar, atteignent vraisemblablement 2 millions de francs. Plusieurs familles sont sans abri. Beaucoup n’ont plus de meubles. »
(« L’orage meurtrier du 15 juin à Bar-le-Duc », L’Est Illustré, dimanche 6 juillet 1930).
Orage dans la région d’Auxerre
« Les quartiers bas de la ville eurent à souffrir particulièrement (caves, sous-sols, clapiers, jardins... submergés). Les prairies aussi furent inondées, les fourrages furent donc en partie perdus. Les céréales furent atteintes également par cette mauvaise période; avoines et blés versèrent et rouillèrent; il fut très difficile de les couper et la paille fut de mauvaise qualité. En outre les pluies ont empêché la bonne formation du grain qui se fait d'habitude en Juin ; il n'y eût dans la région que des "petits blés" comme grain, malgré la belle préparation. Les maladies cryptogamiques, malgré les soufrages et sulfatages, ont détruit la récolte des vignes de cépages français. »
(Bulletin annuel de la commission de météorologie du département de l’Yonne, année 1930, Auxerre, 1931).
Gestion
Les façons culturales et l’urbanisation dénoncées.
Bar-le-Duc
« Ces terres labourées ou sarclées ne sont pas couvertes du manteau végétal habituel des blés ou des avoines ; elles n’offrent qu’une végétation réduite ou éparse, insuffisante dès lors pour les protéger contre le ruissellement superficiel intense qui accompagne une chute d’eau abondante et, à plus forte raison, diluvienne et prolongée, comme le cas s’est produit le 15 juin dernier… On conçoit dès lors que, dans toute l’étendue de cet amphithéâtre à peu près dénudé dont il a été question tout à l’heure, et qui constitue le bassin de réception de toutes les eaux dans la limite des lignes de faîte, un ruissellement momentanément décuplé a pu accumuler très vite des masses de liquide dans le goulot inférieur. »
(Rapport de l’ingénieur subdivisionnaire Frontard, « inondation du faubourg de Marbot », 23 juillet 1930. Ponts & Chaussées, département de la Meuse).
L’Architecte Voyer de Bar-le-Duc pointe quant à lui des anomalies sur le réseau d’évacuation des eaux pluviales : « Les eaux pluviales de l’orage de dimanche dernier auraient dû s’écouler normalement dans la rivière d’Ornain et dans son affluent le Naveton, par des fossés ou des aqueducs de dimensions appropriées. Malheureusement, lors de la construction du canal de la Marne au Rhin, on ne s’est pas préoccupé des évacuations d’eau du quartier de Marbot. Lorsqu’on a effectué la transformation de la gare de Bar-le-Duc et quadruplé les voies ferrées, on ne s’est pas préoccupé non plus des évacuations d’eau. C’est pourquoi l’inondation du quartier de Marbot qui s’est produite dimanche soir a pris les proportions d’un désastre… ».
(L’Architecte Voyer, Bar-le-Duc, 23 juin 1930).
Auxerre
« Ce n'est pas l'Yonne qui à débordé cette fois. Ce sont les coteaux de Migraine à Saint-Georges, qui se sont empressés d'y écouler les 50 ou 60 millimètres d'eau qu'un déluge orageux leur envoyait en quelques heures. (…) L'homme a planté les côtes. Pour arrêter le ruissellement au pied des vignes, il divisait celles-ci en sections, dites « marteaux », avec un fossé à la base. Sur le bord de ce fossé on cultivait l'osier et trouvait casse-croûte. La traction animale ayant remplacé la pioche, on a voulu moins de tournées. On a supprimé les fossés à niveau et créé des chemins bordés de fossés en pentes qui accélèrent l'arrivée de l'eau au fond du vallon. Donc augmentation du débit instantané.
D'autre part, la ville s'étendant, on a remblayé vallons et ravins. On y a construit des maisons avec, comme seul exutoire, de maigres égouts insuffisants en cas de crue. Donc, diminution du débouché. La conséquence est naturelle. L'eau monte en sous-sol, envahit les caves, dissout les murs salpêtres, soulève les voûtes, abat les murs de cours devenues réservoirs, pénètre dans les appartements, éprouve la solidité des portes cherchant partout son chemin naturel pour aller à la rivière.
Les deux vallons barrés, ainsi transformés en cascades d'eaux boueuses, dans la nuit du 15 au 16 juin, sont : le ravin de là Chaînette remblayé en amont de la route de Paris au débouché des ruissellement de Saint - Georges et Migraine; et le ruisseau de Saint-Nicolas s'amorçant dans l'intérieur de la ville vers le futur local de là Société des Sciences (Musée Leblanc-Duvernoy) pour passer sous le « Poncelot » de l'ancienne rue du Poncelot (rue de la Fraternité), puis sous la Caisse d'épargne actuelle, sous la rue d'Orbandelle et dans la rue des Grands-Jardins (actuellement du 4-Septembre), lesquels jardins n'étaient primitivement qu'une suite d'étangs débouchant vers la place Saint-Nicolas. Il est donc naturel que les murs transversaux aient été démolis. Quant aux murs longitudinaux ils ne l'ont été que lorsque l'eau se trouvait emprisonnée latéralement par déviation anormal du thalweg. Il y a seulement cinquante ans, les eaux de la côte de Saint-Georges étaient retenues d'abord dans les fossés privés dont nous avons parlé. La route de la Tour n'existait pas. Le chemin absorbait ce qu'il pouvait. Il n'en était pas meilleur pour cela ! Une mare existait sur le chemin de ronde alors récemment créé entre le rond point de Saint-Georges et la caserne. Elle absorbait pas mal d'eau pour sa part. Finalement tout était détrempé, mais le flot n'arrivait pas d'un seul coup au ravin de la Chaînette. »
(P. Larue, « La leçon de la crue de cote du 15 juin 1930 », Bulletin de la Société des sciences historiques de l’Yonne).
Sources
- Chronologie crues BV Marne.
- Bulletin annuel de la commission de météorologie du département de l’Yonne, année 1930, Auxerre, 1931.
- Commission météorologique de la Marne, bulletin annuel 1930 (décembre 1929 à novembre 1930), Châlons-sur-Marne, 1931.
- P. Larue, « La leçon de la crue de cote du 15 juin 1930 », Bulletin de la Société des sciences historiques de l’Yonne.
- « L’orage meurtrier du 15 juin à Bar-le-Duc », L’Est illustré, dimanche 6 juillet 1930.
- « Trombe d’eau du dimanche 15 juin 1930 », L’Architecte Voyer, Bar-le-Duc, 23 juin 1930.
- Frontard, Inondation du faubourg de Marbot, 23 juillet 1930, Ponts & Chaussées, département de la Meuse.