crue d'hiver
Crue de la Marne, de l'Yonne et de la Seine
Janvier
1880
Retours aux crues
icon COURS D'EAU
Armançon, Grand-Morin, Marne, Saulx, Seine, Serein, Yonne
icon INDICE DE GRAVITÉ icon

1 malchance sur 100 de se produire chaque année

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Décembre 1879 - Janvier 1880

Crues de débâcle sur tout le bassin de la Seine après une période de froid exceptionnel. Plus grande crue de débâcle de la Seine depuis un siècle.

Cours d’eau : Seine, Marne, Yonne, Grand-Morin, Cousin, Serein, Brenne, Armançon, Ouanne, Saulx

Villes : Paris, Evry Choisy, Villeneuve-St-Georges, Montereau, Melun, Corbeil, Château-Thierry, Neuilly-sur-Marne, Bry, Neuilly, Saint-Maur

Météorologie et hydrologie

« L’hiver 1879-1880 a été remarquable par l’extrême rigueur du froid ; il en est résulté pour la plupart de nos rivières des gelées et des débâcles dont on n’avait pas vu l’analogue depuis près d’un siècle » (Lalanne et G. Lemoine, 1881).

 

Le froid du mois de décembre 1879 a été encore plus rigoureux que celui de l’hiver 1794-1795. On relève jusqu’à -23,9°C à Paris Montsouris et -25,6°C au parc de St-Maur. Un épais manteau neigeux recouvre tout le bassin de la Seine, y compris en plaine : jusqu’à 90 cm au sol à Chaumont fin décembre, 70 cm à Pommoy, 50 cm à Meaux, 36 cm à Saint-Maur…

 

Toutes les rivières sont prises par les glaces. « Les froids excessifs du commencement de décembre (1879) amenèrent rapidement le prise en glace de toute la partie de la Seine comprise entre Montereau et Paris. Le fleuve, qui avait commencé à charrier le 4 décembre, se gela du 10 au 15 du même mois sur tout son parcours (…) : sur une longueur de 100 km… les parties restées libres ne représentaient par la vingtième partie du cours du fleuve. (…) » (AParis-SNS 1130 - Rapport de l’ingénieur ordinaire Havollée, 10 janvier 1880). La Seine gèle pendant 25 jours consécutifs à Paris, du 9 décembre au 2 janvier.

 

Le dégel commence le 28 décembre sous l’influence d’un vent de sud-ouest et de pluie faisant fondre la neige présente au sol. Les stations d’altitude (par exemple les Settons) se réchauffent bien avant (dès le 19 décembre) grâce à une situation d’inversions de températures. Les températures maximales dépassent celles de la capitale de parfois 14°C. La pluie perdure jusqu’au 4 janvier 1880. Elle est abondante sur le haut bassin de la Seine (86 mm au Haut-Follin, 109 mm aux Settons, 70 mm à Bar-le-Duc du 29/12 au 04/01), insignifiante sur l’aval (6 mm à Paris Saint-Maur pendant la même période).

 

Ce redoux entraine la débâcle de tous les cours d’eau, et les crues associées, avec des montées rapides.

 

Le dégel des petits cours d’eau a lieu à peu près partout le 30 décembre, avec des débordements plus ou moins significatifs (Cousin, Serein, Brenne, Armançon, Ouanne, Saulx…). Dans les régions où les pluies sont abondantes, les crues prennent de l’importance. Le Grand-Morin atteint 2,88 m à Pommeuse le 1er janvier, correspondant aux plus grandes hauteurs observées sur cette rivière. La Marne à Saint-Dizier, passe de 70 cm m le 29 décembre à 3,90 m le 2 janvier. Elle grimpe de plus de 3 mètres à Damery pour atteindre 4,26 m le 5 janvier. L’Yonne cote 3,70 m à Sens les 3 et 4 janvier.

 

La Seine atteint son maximum à Paris le 3 janvier dans l’après midi avec 5,60 m au pont d’Austerlitz. « Ce fait constitue une anomalie véritable par rapport au régime ordinaire du fleuve ; sans ces circonstances artificielles, on aurait eu un maximum beaucoup moins élevé et beaucoup plus tardif. » (Lalanne et G. Lemoine, 1881).

 

Les décrues sont rapides.

Témoignages sur la débâcle

Sur la Marne, c’est à Château-Thierry que commence la débâcle, dans la matinée du 1er janvier. La nuit suivante, les glaces se détachent en de nombreux points très éloignés. « Le 3 janvier, à 11 heures du matin, le flot passe à Neuilly-sur-Marne, et s’arrête à Bry en y produisant une montée brusque de 2 mètres ; à Neuilly et au souterrain de Saint-Maur, la formation d’embâcles détermine une montée artificielle dont le maximum dépasse de 0m,30 celui de la crue naturelle qui ne se produira que sept jours plus tard ». (Lalanne et G. Lemoine, 1881)

 

« La débâcle de l’Yonne, commencée le 1er janvier, arriva au pont de Montereau à 8 heures et demie du soir. Le 2 janvier, après deux arrêts successifs entre Montereau et Melun, elle devint très intense dans la traversée de cette ville, de 9 heures du matin à midi. La masse des glaçons suivit une marche régulière jusqu’en amont de Corbeil où le mouvement se ralentit sur un baissier vers une heure et demie du soir et finit par être anéanti complètement à deux heures du soir. Il se forma là un embâcle considérable qui fit gonfler les eaux et qui creva vers quatre heures. Arrêtée un instant au pont de Corbeil, la débâcle passa au barrage d’Evry à cinq heures et demie du soir. Mais à ce moment, le phénomène devint plus complexe, car toute la masse de glaçons comprise entre Evry et Paris se mit en mouvement. » (Ingénieur Lax)

 

« Avant d’atteindre Paris, cette grande débâcle subit des alternatives d’arrêts et de ruptures successives. Le premier flot arrivé aux portes de Paris le 2 janvier entre 9 et 10 heures du soir, s’arrêta subitement en amont du pont National. Pendant cette débâcle, la Marne était en crue, et, entre 9 et 10 heures du soir, elle amenait en Seine un train de bois qui avait été entrainé. Mais en même temps, la Seine continuait à charrier du haut et les glaçons rencontrant les embâcles formés entre Evry et Choisy grossissaient les barrages successifs et en particulier celui qui s’était formé entre Villeneuve-St-Georges et Choisy. C’est cet embâcle qui devait produire en définitive le maximum de la crue à Paris. L’eau arrêtée par cet obstacle monta en arrière à une hauteur inconnue jusque là, et le 3 janvier, quand la masse vient à crever, le grand flot arriva sur Paris. »

 

« C’est dans la journée du vendredi 2 janvier que la débâcle a commencé à se produire dans la traversée de Paris, sous l’influence d’une température relativement douce et favorisée d’ailleurs par les ruptures opérées aux abords des ponts à l’aide de substances explosives. Ce jour là, vers midi, un embâcle considérable se formait en s’appuyant contre les avant-becs des piles du Pont-Neuf : sous l’influence de ce barrage artificiel, les eaux s’élevaient à l’amont, puis le barrage ayant cédé sous l’effort de la pression qu’il subissait, allait se reformer et se rompre successivement à la rencontre de tous les ponts. Les chocs auxquels les piles étaient exposées ont momentanément donné des craintes pour l’existence de quelques-uns de ces ouvrages : ils ont amené le samedi la chute de trois des quatre arches du pont des Invalides (deux vers 11 heures, une vers 2 heures) : la passerelle provisoire en bois construite en amont avait été emportée dès le vendredi soir. » (Lalanne et G. Lemoine, 1881)

La Seine gelée - décembre 1879.
La Seine gelée - décembre 1879.
La Seine le 3 Janvier 1880 - Vue du quai Saint-Michel.
La Seine le 3 Janvier 1880 - Vue du quai Saint-Michel.
Débacle du 3 janvier 1880 - pont Saint-Michel.
Débacle du 3 janvier 1880 - pont Saint-Michel.
Débacle du 3 janvier 1880 - pont Royal - Le monde illustré.
Débacle du 3 janvier 1880 - pont Royal - Le monde illustré.
Pont des Invalides -emporté-écroulé - debacle du 3 janvier 1880.
Pont des Invalides -emporté-écroulé - débâcle du 3 janvier 1880.

 

Ailleurs en France

La vague de froid concerne une grande partie du nord de la France. D’autres rivières d’importance sont gelées et produisent des crues de débâcle (Saône, Loire…). L’océan gèle même dans certains ports.

Sources

  1. AP-SNS 1130 - Rapport de l’ingénieur ordinaire Havollée (10 janvier 1880).
  2. Lalanne et G. Lemoine, Sur les dernières crues de la Seine, Institut de France, Académie des Sciences, 1880.
  3. Lalanne et G. Lemoine, Résumé des observations centralisées pendant l’année 1879, Service hydrométrique du bassin de la Seine, Versailles, 1881.
  4. meteo-paris.com (Guillaume Séchet)
  5. Le monde illustré